Jonas Vingegaard est tout juste sorti de l'hôpital après sa chute survenue sur le Tour du Pays Basque le 4 avril dernier.

Chutes dans le peloton, l’avis de Canyon et De Rosa

Ils ont pour noms Cristiano De Rosa, Rodolphe Beyer. Ils incarnent avec brio les marques De Rosa et Canyon. Un duo de passionnés qui viennent commenter et analyser le phénomène qui implose le peloton depuis quelques années. Les chutes ! Après la parole donnée à Cyrille Guimard, Top Vélo s’attache à évoquer le problème avec des protagonistes actuels. Pour un autre regard…

Par Salvatore Lombardo

LA PAROLE À DEUX GRANDS TÉMOINS

RODOLPHE BEYER : «Toujours plus de performance, toujours plus de stress ! »
 
Le cyclisme professionnel a connu ces dernières saisons des transformations significatives. Nous avons assisté à une expansion remarquable du nombre d’équipes professionnelles ainsi qu’à une augmentation considérable des investissements financiers dans le sport. Ces changements ont entraîné une intensification des enjeux et des responsabilités pour les managers et les coureurs.
Avec des budgets annuels pouvant atteindre jusqu’à 60 millions d’euros pour certaines équipes de pointe, les attentes des sponsors et des médias sont devenues plus élevées que jamais. Le rôle d’équipier est devenu un rôle encore plus stratégique dans le fonctionnement des équipes et certains équipiers d’équipe WorldTour ont un niveau sportif qui pourrait leur permettre d’être leader dans d’autres équipes. Les managers sont sous pression pour assurer le succès de leurs équipes, tandis que les coureurs s’engagent de manière accrue pour performer à leur meilleur niveau.
 
Les chutes dans le peloton sont le résultat de plusieurs facteurs, notamment le rythme de plus en plus rapide des courses et la volonté des coureurs de prendre des risques pour atteindre la victoire. De plus, l’amélioration constante du matériel contribue à l’augmentation de la vitesse en course. Paradoxalement, les vélos n’ont jamais été aussi sûrs, confortables et sécurisants : le freinage à disque, l’augmentation de la section des pneus, le confort des vélos permettent aux coureurs de se sentir davantage en confiance et contribuent à l’augmentation de la vitesse en course.
Cependant ce ne sont pas les évolutions technologiques des vélos qui font chuter bien au contraire. Ce sont plutôt l’augmentation des enjeux et le fait que le niveau des coureurs s’est fortement homogénéisé notamment par l’internationalisation du peloton. Aujourd’hui plus de 20 coureurs peuvent potentiellement remporter une course, là où par le passé seul 5 ou 10 coureurs étaient pressentis à la victoire. Les échappés TV d’il y a encore 15 ans sont de plus en plus rares et pour exister de plus en plus d’équipes tentent de se frotter au gratin mondial lorsqu’elles en ont l’occasion ce qui peut également entraîner des risques accrus.
 
Malgré les défis, le cyclisme professionnel continue d’attirer l’attention et l’admiration à travers le monde. L’augmentation des enjeux témoigne de l’intérêt croissant pour ce sport, tant en Europe qu’à l’international. Nous sommes témoins d’une compétition intense et d’un niveau de compétence élevé au sein du peloton, ce qui fait du cyclisme l’une des disciplines les plus passionnantes et captivantes du monde sportif.

Top Vélo - RODOLPHE BEYER CANYON scaled
Rodolphe Beyer est directeur de Canyon France.

CRISTIANO DE ROSA : « Le futur du vélo n’est pas son passé ! »
 
Comme mon père Ugo De Rosa j’ai toujours été et je serai toujours du côté des coureurs. Je les respecte. Je les admire. Et je ne supporte pas ceux qui mettent en cause leur prétendue manque d’habilité au guidon et encore moins leur capacité à prendre des risques raisonnables. Il faut avoir soi-même couru, comme j’ai pu le faire moi -même à un petit niveau, pour comprendre le métier de coureur cycliste. De la même manière il est essentiel de comprendre la conception et la fabrication d’un vélo de course pour appréhender la réalité technologique du cyclisme d’aujourd’hui. Les machines n’ont jamais été, à quelque rares exceptions près, aussi performantes, aussi confortables et aussi sûres. Le futur technique du vélo n’est pas son passé. Pas plus qu’il ne l’est pour la Formule Un ou la Moto GP. Prétendre résoudre les problèmes de chutes par un abandon du freinage disque ou du carbone est une absurdité. Il suffit de parcourir quelques kilomètres avec un vélo d’il y a dix ou vingt ans pour ce faire une idée des immenses progrès accomplis.

Évidemment je ne suis pas directeur sportif ou manager et je ne peux pas vraiment juger leur manière de faire avec les fameuses oreillettes. Certains en abusent peut-être. C’est une question à trancher côté coureurs et fédération. Par contre ce qui est certain c’est que les chutes, même mortelles hélas, ont toujours existé dans le cyclisme. Ce sport magnifique est dangereux. Et je suis désolé de voir que l’on en parle surtout aujourd’hui parce que les victimes sont des stars du calibre de Remco, Vingegaard ou Van Aert. Le danger est le même pour les autres, tous ces autres qui composent la majorité du peloton. Par contre j’ai envie de parler des risques inconsidérés que certains organisateurs font prendre aux coureurs avec des tracés bien trop dangereux. Comme ce bloc de ciment qui a causé des blessures graves lors du Tour du Pays Basque.

Top Vélo - Cristiano De Rosa
Cristiano De Rosa (à droite) est président de De Rosa. Il travaille de concert avec son frère Danilo (à gauche). Au centre le regretté fondateur de la marque, Ugo De Rosa.

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