Guillaume Di Grazia, notre grand temoin !

Enthousiaste et enthousiasmant, le Sudiste d’Eurosport considère ce Tour de France de l’après Covid comme l’événement qui sauve le cyclisme. Récent auteur d’un ouvrage qui révolutionne la littérature sportive (*), il aborde pourtant la 107ème édition de la grande boucle avec un doute majeur. L’épreuve ira-t-elle à son terme ? Entretien autour d’un doute, alors. Mais aussi dialogue éclairant avec un journaliste qui suit le cyclisme depuis plus de 20 ans.

Par Salvatore Lombardo

TOP VELO : Guillaume, vous venez de publier chez Mareuil éditions un livre absolument novateur sur le Tour 2019 et la non victoire du nouveau chouchou du public français, Julian Alaphilippe. Intitulé « Orage et désespoirs », cet ouvrage change littéralement la donne de la littérature sportive en adoptant un rythme habituellement réservé au polar ou au cinéma. Une belle réussite qui interpelle d’autant plus qu’il s’agit pour vous d’une première.

GUILLAUME DI GRAZIA : Ce livre est effectivement une vraie première pour moi. Et en même temps le moyen de me prouver que je pouvais passer du micro au clavier, de l’écran au livre. Une gageure que je voulais concrétiser à ma manière. Pas simplement en racontant une histoire d’hier mais en faisant de cette histoire une métaphore qui aide le public à mieux comprendre la réalité de ce fantastique évènement mondial qu’est devenu sans conteste le Tour de France. Alors il fallait donner au livre un point de départ et un rythme. Le point de départ autour du héros malheureux, Julian Alaphilippe. Le rythme d’un docu-série qui doit tenir le lecteur en haleine.

TOP VELO : Vous allez couvrir ce Tour de France 2020 avec toute l’équipe d’Eurosport. Comment l’appréhendez-vous ?

GUILLAUME DI GRAZIA : On pourrait dire que j’ai l’habitude du Tour. Je couvre les plus grands évènements sportifs depuis 20 ans. Mais cette année, au-delà de l’intérêt sportif évident suscité par l’irruption d’une nouvelle génération d’athlètes, rien ne sera comparable aux Tours précédents. Rien !
Tout d’abord il s’agit de la concrétisation d’une formidable volonté d’ASO et de Christian Prudhomme de sauver le cyclisme à l’heure de la pandémie mondiale de Covid 19. Si Prudhomme ne s’était pas battu comme un forcené le Tour aurait fort bien pu ne pas avoir lieu. Le Président Macron l’a dit, nous sommes en période de guerre. Et en période de guerre le Tour aurait fort bien pu être purement et simplement annulé. Comme cela s’est passé durant les deux guerres mondiales.
Ensuite il s’agit d’un retour aux affaires du sport cycliste. Nous étions au chômage technique depuis Paris Nice. Le redémarrage début août, avec notamment les classiques italiennes et le Dauphiné, nous a confirmé que les choses avaient changé. A l’image de l’épatant Wout Van Aert ou du malheureux mais formidable Remco Evanepoel, nous avons vu surgir au premier plan de nouveaux talents, de vrais « fuoriclasse ». Même chose du côté des équipes avec l’effacement du team britannique Ineos, rebadgé Grenadier pour le Tour, face à l’armada italo-néerlandaise Jumbo-Visma.
Côté français, il y a toujours les mêmes. Pinot en première ligne, avec Alaphilippe et Bardet. Pinot est apparu quasi au Top sur le Dauphiné, même si une certaine fébrilité lui a sans doute couté la victoire finale. Julian est égal à lui-même, combatif et sans peur. Bardet était un peu en retrait, comme Quintana d’ailleurs. Mais cela ne veut pas dire grand-chose. Ce Tour 2020 est un superbe terrain de bataille pour les grimpeurs. La messe ne sera pas dite, sauf accident, dès l’arrivée à Orcières Merlette.
Par contre l’absence de Geraint Thomas et plus encore de Chris Froome va laisser un vide dans le rang des stars. Pas plus mal sans doute pour Bernal, cet autre jeune prodige, qui aura ainsi les coudées franches pour lutter face à l’impressionnant pack des Jumbo et leur leader probable, Primoz Roglic. Celui-là est un gros client qui grimpe aussi bien que ce qu’il roule. Il est le favori logique avec Bernal. Mais la logique n’est pas toujours la règle sur le Tour. 

Top Vélo - 10

TOP VELO : Avec les mesures de distanciation sociale et le quasi confinement des coureurs et de leurs staffs avant et après la course, vous aurez certainement du mal à commenter depuis les arrivées comme vous en aviez l’habitude ? Êtes-vous inquiet ?

GUILLAUME DI GRAZIA : C’est certain. Nous allons devoir nous adapter. Comme vous de la presse écrite. Nous allons commenter le direct depuis nos studios de Paris. Et nous aurons deux journalistes pour les interviews aux arrivées. En espérant qu’ils puissent accéder aux coureurs. C’est notre première inquiétude. La seconde c’est que la seconde vague de la pandémie se confirme et que le Tour ne puisse aller à son terme. C’est dire si je m’inquiète aussi pour le Giro et la Vuelta.

TOP VELO : Nous allons croiser les doigts et imaginer le meilleur. Vous dites souvent que le Tour dépasse de très loin le seul sport cycliste. Et qu’il s’agit d’un monument universel qui incarne une certaine idée de la France à l’international. Mais qu’en est-il du cyclisme français ?

GUILLAUME DI GRAZIA : Oui le Tour est un monument français universel. Il faut absolument le préserver. Ce qui a été fait par Christian Prudhomme et son équipe. J’espère seulement que nous n’aurons que des surprises sportives. Car les cartes ont été rebattues et redistribuées avec la pandémie. Nous sommes à un tournant important du sport cycliste moderne. Avec un évident changement géo-stratégique et générationnel. Et dans ce contexte, il y a l’exception française. Car alors que des nations historiques du cyclisme comme l’Italie ont perdu toutes leurs équipes de haut niveau, notre pays est le plus riche dans ce domaine. En fait il n’y a sans doute jamais eu autant de teams français. Par cxontre, paradoxalement, nous sommes moins riches en jeunes que l’Amérique du Sud ou la Belgique. Les nouveaux grands champions se nomment Van Aert, Van der Poel, Evanepoel, Ganna, Pogacar, Bernal. Ils ont tous à peine passé le cap des 20 ans. Posons-nous la question du pourquoi …

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