« Je ne peux rien contre les doutes émis par certains anciens coureurs ou par quelques journalistes en quête de scandale autour du cyclisme alors que ce sport est devenu en dix ans le plus propre de tous. Alors je peux seulement dire que je ne suis pas le seul à battre des records dans les cols. Au plateau de Beille nous étions trois à dépasser le temps de Marco Pantani établi il y a plus de vingt ans. Et à Saint-Lary nous étions treize à dépasser Lance Armstrong. Alors ma meilleure réponse c’est la course. Le reste je ne m’en préoccupe pas. L’an dernier on doutait des performances de Jonas Vingegaard, cette année on doute des miennes. Comme si les records n’étaient pas faits pour être battus. Comme si nous devions rouler à l’allure des coureurs des années 90 alors que tant de progrès ont été réalisés sur les vélos, l’entrainement et la nutrition . »
Retrouvez la suite de cet article dans l’éditorial de Salvatore Lombardo ” Gloire ou tempête” ici
Tout en gardant le sourire qui fait de lui un être attachant en plus d’un champion d’exception, Tadej Pogacar paraissait passablement énervé en répondant à nos confrères de la Gazzetta dello Sport. Lui qui, à seulement 25 ans, se retrouve déjà avec un palmarès dantesque comptant trois Tours de France, un Giro, 2 Liège Bastogne Liège, 3 Tours de Lombardie, 2 Strade Bianche, Paris Nice, Tirreno Adriatico, la Flèche Walonne, l’Amstel, le Tour des Flandres et des dizaines d’autres victoires de prestige. Lui qui domine tous les pelotons depuis l’âge de 15 ans. Lui qui avait écrasé la concurrence dans un mémorable Tour de l’Avenir. Lui qui était désigné comme le futur Merckx par un certain Ernesto Colnago alors qu’il arrivait chez les pros à tout juste 20 ans.
Sa meilleure réponse évidemment, demeure cette formidable victoire dans le Tour 2024. Victoire assortie de six étapes et d’exploits spectaculaires réalisés face aux deux immenses compétiteurs que sont Jonas Vingegaard et Remco Evenepoel.
Parmi les plus ardents défenseurs du Campionissimo slovène, Bernard Hinault, Cyrille Guimard et Davide Cassani.
Le premier, lui-même auteur de deux doublés Giro-Tour et vainqueur de…cinq Tours de France, exprime une franche colère. Et à son habitude il ne mache pas ses mots.« Il faut arrêter de polémiquer sur les records et les exploits. Arrêter les conneries. Il y a toujours eu des champions plus forts que tous les autres. Anquetil, Merckx, Moi, Indurain et d’autres encore. C’est dans l’ordre naturel des choses. Alors il faut arrêter les analyses d’après course version parano. À Saint-Lary ils étaient plus d’une dizaine à battre le record d’Armstong. Avec vent favorable, routes refaites à neuf et des vélos exceptionnels plus légers et offrant un bien meilleur rendement qu’à l’époque. Rien que de très logique. Moi dans les cols je montais plus vite que Coppi. Mais lui roulait sur un vélo de douze kilos avec des routes pourries. Et je ne parle même pas des nouvelles méthodes d’entrainement, des stages en altitude, de l’extrême professionnalisation de l’encadrement. Ne pas comprendre ça c’est être incompétent ou malhonnête. »
Pour Guimard, qui il faut le rappeler fut lui-même un champion et un Directeur sportif friand d’innovations, les attaques contre les champions sont en fait des attaques contre le cyclisme. Sans autres fondements désormais que la volonté d’attaquer un sport redevenu roi.
« D’une part le cyclisme est le sport le plus contrôlé de tous. Ensuite l’évolution exponentielle de l’entrainement, du matériel et des routes sont des éléments déterminants dans l’évolution des performances. Il ne s’agit pas de dire que les champions d’aujourd’hui, Pogacar en tête, sont bien meilleurs que ceux d’hier, Merckx ou Hinault par exemple, mais plutôt d’analyser objectivement ce qui fait que les performances sont meilleures et que les records soient battus.
Et il n’y a pas que les records d’ascension de cols. Il y a aussi le record de l’heure. Anquetil, le plus grand rouleur de son époque, était à 47 km 500, Merckx à 49km 431 et Ganna aujourd’hui est à 56 km 792. Quant à Jeannie Longo elle avait fait 3 km de mieux que Coppi.
Le matériel y est pour beaucoup. Déjà à l’époque d’Hinault nous avions énormément travaillé pour améliorer le vélo. Et pas seulement sur le poids. Mais nous n’avions pas ces cohortes d’ingénieurs spécialistes de l’aéro et des composites que les constructeurs utilisent désormais avec pour conséquence des avancées incroyables côté rendement.
Actuellement les meilleurs vélos sont à la fois plus légers, plus sûrs et bien plus rapides. Si vous ajoutez les gains en préparation, alimentation et entrainement, vous obtenez obligatoirement des gains importants en performance. Et donc des records ! »
Commissaire technique et sélectionneur de l’équipe nationale italienne de 2014 à 2021, Davide Cassani est aujourd’hui consultant pour la télévision Italienne. Pour ce technicien reconnu internationalement comme l’un des meilleurs observateurs de l’évolution du cyclisme international, les attaques contre Tadej Pogacar sont tout simplement insupportables.
« Dès son arrivée chez les professionnels on a vu en Tadej Pogacar le nouveau Merckx. Et il a très vite confirmé en se constituant un palmarès éblouissant qui fait dejà de lui, à seulement 25 ans, l’un des plus grands champions de l’histoire. Un champion dont les performances dans la montagne, notamment cette année dans les Pyrénées ne me surprennent pas tellement. Il a battu le vieux record de Marco Pantani avec Plus de 3 minutes de mieux. Et alors ? Depuis 1998 tout a changé. Déjà les routes qui sont désormais des billards comparés aux revêtements gravillonneux d’autrefois. Et puis le matériel. Incomparablement meilleur en rendement pur. Et enfin l’entrainement et l’alimentation. À l’époque pas de stages en altitude durant des mois. Et pas de préparation technologique permettant à chaque coureur de savoir très exactement quel secteur travailler et comment. Par exemple la cadence. Ce qui permet à Pogacar de tourner mieux les jambes et d’obtenir in fine un bien meilleur couple avec ses manivelles de 165 ou 167,5 que celles de 172,5 et 175 utilisées par Pantani. Et puis il y a les braquets. Pogacar et les autres utilisent régulièrement des grands plateaux de 60 dents. Avec 60X11 on roule facilement à 55 km/h sur le plat, comme autrefois à 45 km/h avec un 53X11.
Et enfin il y a le fait qu’il faut comprendre et accepter que des super-champions comme Pogacar, Vingegaard ou Evenepoel sont physiquement au-dessus de tous les autres. C’est la loi de la nature et donc du sport. Depuis toujours.
Aujourd’hui Pogacar est l’expression maximale du cyclisme mondial. Il a un potentiel physique exceptionnel et il dispose des meilleurs équipiers et des meilleurs techniciens. Comme Coppi ou Merckx autrefois. Il a toujours gagné et il va continuer à le faire. D’autant qu’il dispose aussi d’un mental incroyable qui lui permet de surmonter les épreuves. Comme il l’a fait l’an dernier après s’être classé second derrière Vingegaard.
Je n’aime pas comparer les époques. Il n’est pas Coppi ou Merckx. Mais il est leur équivalent aujourd’hui. C’est incontestable ! »
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