HINAULT, AIMAR ET THÉVENET PLEBISCITENT LE SLOVÈNE

BERNARD HINAULT
« Bien sûr que Pogacar est l’archi favori du Tour ! Qui pourrait en douter ? »
Bernard Hinault, fidèle à lui-même, ne tergiverse pas lorsque la question du ou des favoris lui est posée. Pas de langue de bois ! Pas d’hésitation ! Le quintuple vainqueur du Tour considère comme évident la place de l’hyper champion slovène tout en haut de la liste des favoris de l’épreuve.
« Il est le meilleur grimpeur et l’un des meilleurs contre la montre. Il vient de dominer un Giro où il s’est littéralement baladé en remportant six étapes et le maillot de la montagne. Sur ce Tour il devrait exercer sans problème la même domination. D’autant que Vingegaard, très sérieusement blessé sur le Pays Basque ne devrait pas être au top de sa forme. Si même il vient sur le Tour où il se retrouverait dans la même position que Pogacar l’an dernier. Sauf catastrophe, sauf accident, le leader du team UAE va gagner son troisième Tour de France et réaliser son premier doublé Giro-Tour. »
Même réponse directe et abrupte lorsque l’on évoque la place des coureurs français. Le guerrier breton ne prend pas de précautions oratoires. Il ne voit aucun tricolore sur le podium.
« Soyons sérieux ! Je l’avais déjà dit à Top Vélo l’an dernier et je ne change pas d’avis. Mon successeur français vainqueur du Tour n’est pas à chercher dans le peloton professionnel actuel. Mais plutôt chez les minimes ou les cadets. Et je ne vois même aucun français sur le podium. D’ailleurs à quoi bon pour eux viser ne serait-ce qu’une place au général. Le mieux serait qu’ils se consacrent à la bataille des étapes. Plus réaliste et plus glorieux. La concurrence actuelle est d’un niveau tellement élevé que nos Français ne peuvent viser plus haut. »



LUCIEN AIMAR
« Tadej Pogacar évidemment. Et avec lui les meilleurs comme toujours. Remco, Roglic et Vingegaard. »
Lulu Aimar, en pleine forme, n’hésite pas longtemps pour donner sa vision de la guerre totale que vont se livrer les favoris du Tour pour la conquête du maillot jaune. Et c’est logiquement qu’il place lui aussi Pogacar tout en haut de la liste. Un Pogacar au sommet de sa forme après un Giro d’anthologie. Un Pogacar qu’il voit s’imposer. Même s’il veut relativiser.
« C’est vrai, Pogacar a dominé le dernier Giro comme jamais. Il a été supérieur à tous les échelons de la course. En montagne aussi bien que dans les chronos. Mais attention, le Giro ce n’est pas le Tour. Sur le Giro 80% des coureurs viennent pour participer et s’entrainer. Sur le Tour 110% des coureurs viennent faire la course. Et sur le Tour encore, les meilleurs sont au départ. Les meilleurs ! Et les meilleures équipes ! Alors même si je fais naturellement de Pogacar mon favori, il aura face à lui une autre opposition et un autre niveau. Et puis il y a le sort. Il peut être victime d’une crevaison au mauvais moment, être impliqué dans une chute collective, être malade. Le Tour c’est la vie. Tout peut arriver ! »
Et le Français alors ? Le vainqueur du Tour 1966 ne voit aujourd’hui personne pour succéder à Hinault, Pingeon, Thévenet, Fignon ou lui-même. Comme le Blaireau, il cherche désespérément un possible vainqueur du Tour dans le peloton tricolore actuel.
« Hinault à raison. Il n’y a actuellement aucun vainqueur potentiel du Tour côté français. Nous avons quelques bons coureurs, mais les meilleurs ont vieilli ou se sont retiré. La meilleure chance c’est peut-être Gaudu. Mais seulement s’il parvient enfin à élever son niveau. Ce qui ne semble pas être le cas. Sinon nous avons quelques noms qui peuvent viser une étape. Et pour l’avenir ont peut espérer dans le très jeune Lenny Martinez. Il est le dernier d’une belle lignée de champions. J’ai couru avec son grand-père qui était un bon grimpeur. Et son père a été un grand du cyclo-cross et du VTT. Il connaît le vélo depuis le berceau. À suivre. »




BERNARD THÉVENET
« Comment imaginer ne serait-ce qu’un instant un autre ultra favori que Tadej Pogacar ? Il domine aujourd’hui le cyclisme comme Merckx autrefois. Il est bon partout, gagne partout et en plus c’est un guerrier. Il n’est pas numéro Un mondial par hasard. »
Double vainqueur du Tour de France en 1975 et 1977, le Tombeur de Merckx ( comme l’ont surnommé nos confrères de la Gazzetta dello Sport) fait du prodige slovène son favori absolu. Même s’il regarde aussi du côté de Remco Evenepoel ( autre prodige) et de Primoz Roglic. Il les considère tous deux comme les seuls adversaires de premier plan pour Pogacar. Écartant avec lucidité Jonas Vingegaard qu’il ne voit pas en position de répéter ses exploits des deux derniers Tours suite à ses blessures et à sa longue convalescence.
« J’ai énormément de respect et même d’admiration pour Vingegaard. Mais alors qu’il n’est pas encore remis à 100% de sa chute terrifiante du Pays Basque, il ne peut représenter une véritable menace pour Pogacar. Même chose pour Remco. Victime lui aussi de la vague de chutes du dernier Pays Basque, il est loin d’avoir retrouvé tout son potentiel. Surtout en montagne où il a montré ses limites face à Roglic dans le Dauphiné. Il pourra tout de même représenter un adversaire de choix pour Pogacar dans les deux contre-la-montre. Mais sans doute pas au point de combler le retard accumulé dans les cols. Et pour ce qui est de Roglic, je le vois surtout protagoniste de la lutte pour le podium. »
Lorsque l’on évoque les Français susceptibles de viser le podium ou le top 5, l’ancien leader de la légendaire équipe Peugeot rejoint son ami Bernard Hinault. Il avoue n’imaginer personne pour viser le top 5 et encore moins le podium côté français. Selon lui le niveau international est désormais bien trop élevé pour que les coureurs français puissent viser d’autre objectif qu’une victoire d’étape.« Le cyclisme est un sport impitoyable. Les meilleurs, ces champions qui dominent les classiques et les grands tours, sont d’un tel niveau, font preuve d’un tel talent, qu’il est simplement impossible aux Français de rêver. Au plus haut niveau il y a une dizaine, sinon une vingtaine, de champions au-dessus du lot. Avec au-dessus encore de ces dix ou vingt, des prodiges incroyables comme Pogacar, Evenepoel, Van der Poel, Van Aert, Roglic et naturellement Vingegaard. Alors je conseille à mes amis journalistes de ne pas mettre inutilement la pression sur Gaudu, Martin et d’autres pour le général. Leur fenêtre de tir sera celle des succès d’étapes. Ce qui serait déjà bien. Car comme Hinault aime à le dire, le futur Français vainqueur du Tour est sans doute à recherche aujourd’hui chez les minimes et les cadets. Pas dans le peloton pro.