« Ce qui pourrait tuer le commerce du cycle traditionnel, c’est le tout en carton. Cette nouvelle vague de vendeurs de vélos sans légitimité technique et sans passion pour le cyclisme. Dans leurs grandes-surfaces du vélo, ils se contentent de vendre des machines arrivées directement du grossiste ou du diffuseur dans un emballage. Pas étonnant que les gens se tournent vers les marques vendues en direct sur internet. Ils retrouvent le dialogue grâce aux télé-conseillers et ils ont le sentiment de pouvoir personnaliser leur achat. Reste l’après-vente évidemment. Mais c’est une autre question. D’autant que les vendeurs en question sont souvent incapables techniquement de résoudre les problèmes liés aux nouvelles technologies.»
Ce constat alarmant et désabusé m’avait été dressé il y a quelques années déjà par Hervé Passieu, Robert Bosdure et Louis Ré. Trois vélocistes-mécanos devenus des légendes pour les amateurs de beaux vélos. De Colnago à Cinelli et Spécialized, ils servaient des marques de prestige en proposant du sur mesure à des clients devenus des fidèles et même souvent des disciples.
Des années plus tard, aujourd’hui donc, la donne a-t-elle changé ? Quelle analyse à faire d’une crise paradoxale qui aura vu des centaines de points de vente et des dizaines de marques mettre la clé sous la porte ? La réponse apportée par un petit commerce en plein renouveau est-elle la métaphore d’un retour aux valeurs de dialogue et de service évoquées autrefois par Passieu, Bosdure et Ré ?
Hervé Bayle de Vélomania au Puy en Velay, et Laurent Donnangricchia de Vélocenter à Carpentras proposent leur exemple. Tous deux mettant justement en avant les valeurs fondatrices d’un commerce du vélo qui doit se réinventer.
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HERVÉ BAYLE – VELOMANIA – LE PUY EN VELAY (43)
Nouveau locaux, nouvelles ambitions, nouvelles idées, mais même volonté d’apporter le meilleur service et de nouer le meilleur dialogue. Hervé Bayle veut faire de Vélomania un temple du vélo sous toutes ses formes. Mais un temple à l’ancienne, avec en priorité la mise en exergue des notions de conseil, de service et de performance technique. Dans la fidélité à son mentor et ami Robert Bosdure, le fameux Doc.
« J’ai longtemps pratiqué la compétition. Du BMX au VTT. Tout en étant aussi passionné par la route et les exploits des champions. Lorsque j’ai arrêté la course je n’ai pas quitté l’univers du vélo. Et je me suis lancé comme vélociste. D’abord avec un associé puis seul. Et j’ai connu toutes les évolutions du marché depuis quinze ans. De la folie du VTT à l’arrivée de l’électrique. Du light 11 puis 12 vitesses jusqu’au disque adapté à la route. Et enfin le règne des groupes électroniques. D’abord avec le règne de Campagnolo et Shimano, puis l’avènement de SRAM. Et naturellement la venue du carbone.
Le vélo c’était alors essentiellement la route et le VTT. Mais la pandémie de COVID a tout changé. Le marché a connu une expansion incroyable. Les constructeurs ne pouvaient initialement pas suivre. Personne n’avait prévu des hausses de ventes de l’ordre de 25 à 30% par an. Nous manquions de vélos neufs. Et les occasions se vendaient à prix d’or. Mais cette folie ne pouvait durer. Une folie qui a vu l’irruption de nouveaux constructeurs sans expérience et de nouveaux Bike Store n’ayant pour but que le business. Dès la fin du COVID ils ont sur-stocké. Ça ne pouvait pas continuer comme ça. Et la crise a remis de l’ordre. Des dizaines de nouveaux commerçants opportunistes ont fermé boutique. Et plusieurs constructeurs sont en difficulté.
Alors désormais les clients savent faire la différence, je crois. Ils veulent du matériel fiable et performant et un service irréprochable. Qu’il s’agisse du choix d’un vélo ou de celui d’un accessoire. Tout en suivant les dernières tendances et le nouvelles pratiques. Qu’il s’agisse du Gravel ou de l’électrique adapté au VTT et à la route.
Notre avenir à nous, vélocistes traditionnels c’est de répondre à ces attentes. Avec nos armes. Sans chercher à nous lancer dans une inutile et absurde guerre des prix.
Le cyclisme est à nouveau le sport roi. Je suis optimiste. Le matériel est de plus en plus performant et complexe. Et le client est de plus en plus exigeant. C’est en étant nous-même que nous vélocistes allons pouvoir reprendre notre place. »
LAURENT DONNANGRICCHIA – VELO CENTER – CARPENTRAS (84)
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En pays de Ventoux, au cœur de cette ville de Carpentras qui vit s’illustrer des champions du calibre de Louison Bobet ou Richard Virenque, Vélo Center est un point de rencontre pour les passionnés de Ventoux. C’est ici que Laurent Donnangricchia partage sa double passion pour le cyclisme et son histoire. Comme un éternel retour vers la légende du vélo avec des noms tels que Cinelli, Campagnolo ou Trek. Mécanicien expert, fin analyste des technologies classiques ou modernes, esthète exigeant, c’est généralement autour d’un ristretto à la milanaise qu’il engage la discussion.
« On dit que les nouveaux vélos de course sont chers, trop chers. Mais pas si chers en fait compte tenu de l’extrême technologie qui préside à leur création. Et finalement le cyclisme est le seul sport où n’importe quel pratiquant, pour peu qu’il dispose d’un minimum de moyens, a la possibilité d’acquérir le vélo du vainqueur du Tour ou du Giro. Ce n’est pas le cas en moto GP ou en Formule Un. Moi je suis un fou de vélo. Pas seulement le sport mais l’objet. Un summum de technologie, de design, de beauté. À l’instar d’une œuvre d’art. Et c’est cette œuvre d’art que nous vélocistes devons concocter pour nos clients. D’ailleurs la crise qui a frappé notre secteur d’activité juste après le COVID est paradoxale. Le vélo étant de retour comme pratique sportive favorite des Français.
En fait tout est arrivé par la double faute d’investisseurs sauvages qui imaginaient que la folie des ventes allait se poursuivre indéfiniment. Certains, côté constructeurs, ont gonflé leur productions à l’extrême pour répondre à la nouvelle demande. Avec pour conséquence des stocks impossible à résorber une fois le temps de la normalité revenu. D’autres, nouveaux venus opportunistes, ont imaginé des magasins géants avec des managers plutôt que des mécanos. Après les plus 30 % on est revenu à plus 10%. Soit une baisse de 20% immédiate. Et des conséquences dramatiques pour les uns, salutaires pour les autres.
La surproduction c’est terminé. La reprise est là. Timide pour l’instant. Mais nos clients ne s’y trompent pas. Ils sont de retour et ils font valoir leur désir de sérieux et de professionnalisme. Ils ne succomberont plus aux sirènes de la guerre des prix et du tout marketing. Le temps des magasins à taille humaine, où les patrons se distinguent par un ADN nommé passion, est bel et bien revenu. Qu’il s’agisse de VTT, de Gravel ou de route, les passionnés veulent pouvoir compter sur une écoute et une capacité à résoudre les problèmes liés aux nouvelles technologies. C’est ce que j’offre à mes clients. Sans cela pourquoi choisiraient-ils nos magasins à l’ancienne plutôt que le on-line ? »