Pogačar en pôle position
En pleine reconquête après son échec de 2022, Tadej Pogačar apparaît comme favori logique face à celui qui pourrait bien devenir son éternel rival, le Danois Jonas Vingegaard. Même si certains passionnés imaginent un bouleversement des valeurs avec un vainqueur Français. Surprise. De quoi interloquer le plus fameux des vainqueurs tricolores, Bernard Hinault.
Un Bernard Hinault qui n’en démord pas. Pour lui il est invraisemblable d’imaginer un Français remporter le Tour 2023. Quintuple vainqueur de l’épreuve, le Campionissimo breton précise même en souriant que c’est vers la catégorie benjamins qu’il faut regarder désormais pour trouver un possible futur maillot jaune made in France.
Soyons sérieux. Il ne faut rien comprendre au vélo pour envisager, ne serait-ce qu’une seconde, voir un Français maillot jaune à Paris. À moins que le peloton 2023 nous refasse un coup à la Walkowiak et nous rejoue la pièce de théâtre de 1956 en laissant partir de loin une échappée fleuve. La différence de cylindrée entre les monstres de puissance que sont Tadej Pogačar et Jonas Vingegaard face à leurs adversaires est abyssale. Lorsque ces deux monstres vont ouvrir la poignée de gaz en montagne personne ne pourra suivre. Et je ne parle pas chrono ! Non vraiment difficile d’espérer autre chose qu’un beau duel entre Pogačar et Vingegaard. Sauf accident évidemment.
Bernard Hinault
Le Blaireau est rejoint dans ses commentaires par Cyrille Guimard, son ancien mentor. Le Druide est d’accord avec le constat dressé par Hinault. Il en rajoute même une couche en analysant sans complaisance l’état des lieux du cyclisme français à l’heure de l’internationalisation générale du peloton. Ce qui ne l’empêche pas d’espérer un sursaut des bleus dans des échappées avec, pourquoi pas, une victoire d’étape à la clé. Mais selon lui, impossible d’imaginer un Français jouer les premiers rôles face au duo Pogačar-Vingegaard.
Le peloton français est entré dans une zone d’ombre d’où n’émerge aucun vainqueur potentiel du Tour de France. On ne trouve pas facilement des successeurs à Hinault ou Fignon. Pas même à Virenque ou Jalabert. Le seul grand champion français actuel c’est Julian Alaphilippe. Mais il n’est pas taillé pour gagner le Tour. Inutile de se faire des illusions. Par contre Julian est tout à fait capable d’un exploit dans une étape. Comme d’ailleurs un Madouas ou un Cosnefroy. Sans parler de Gaudu que je vois bien viser un nouveau top 5. Mais côté victoire, il n’y aura rien à faire face à Pogačar et Vingegaard. Avec une préférence pour le Slovène qui ne va pas réitérer son erreur de l’an dernier. Car c’est bien lui et son équipe qui ont perdu face au rouleau compresseur Jumbo. Plus que Vingegaard qui a gagné. D’ailleurs pour cette année je fais de Tadej Pogačar mon favori. Il est supérieur dans tous les cas de figure. Au sprint, en montagne et en chrono. Son arrêt maladie suite à sa fracture lors de sa chute à Liège n’aura aucune conséquence sur son rendement. Au contraire. Il arrive au max de sa forme. Même s’il est prudent et qu’il prétend le contraire par la bouche de Mauro Gianetti, son manager.
Cyrille Guimard
Cervelo vs Colnago : L’autre duel !
Même si nos confrères des plateaux télé l’oublient trop souvent, le cyclisme est un sport mécanique. Et les batailles entre constructeurs et équipementiers sont au moins aussi intenses et féroces.
Vingegaard et Cervelo sont les vainqueurs sortants.
Fidèles à Colnago, Pogačar et le team UAE vont utiliser le V4RS. Un vélo d’exception déjà utilisé en 2022 avec l’appellation « Prototipo » et un montage tout Campagnolo Super Record avec roues Bora WTO. Mais pour 2023, sponsoring oblige, les Colnago sont montés en Shimano avec roues Enve. Avec toujours autant de réussite sur ce début de saison.
Vingegaard conserve son vélo Cervélo R5 ou S5de 2022 à la différence des roues qui sont cette année des Reserve, la nouvelle marque de Cervélo. Le groupe évolue lui aussi avec l’arrivée de Sram avec son Red eTap sans fil. Sram c’est aussi le spécialiste du monoplateau, peut-être verra-t-on Vingegaard utiliser ce système sur quelques étapes…
Et le reste du monde
Le formidable mano a mano entre Tadej Pogačar et Jonas Vingegaard aurait tendance à occulter le reste du monde. Ces 174 autres coureurs qui vont trois semaines durant illuminer les routes de France. Répartis en 22 équipes de 8, ils vont viser en fonction de leurs spécificités et de leurs talents, les victoires d’étapes, le maillot vert, le maillot à pois ou le maillot blanc. Exception faite naturellement des équipiers des deux favoris dont le rôle sera de soutenir à 100% leurs leaders respectifs.
Côté sprinters, il faut d’abord évoquer l’immense Mark Cavendish qui va se lancer à la conquête d’une 35 ème étape. Ce qui ferait de lui le seul recordman des victoires d’étapes sur le Tour face à Eddy Merckx (34) et Bernard Hinault (28). Pour cela il devra triompher d’une belle brigade de furieux des 200 derniers mètres. Ewan, Pedersen, Bennett, Kristoff, Groenewegen, Coquard et pourquoi pas Sagan dont ce sera le dernier défi.
Du côté des grimpeurs, outre Pogačar et Vingegaard, les Français se taillent la part du lion. Gaudu, Bardet, Martin et même Pinot, qui vient de remporter le classement de la montagne sur le Giro, peuvent s’imaginer marcher sur les traces d’un certain Richard Virenque et son record fou de 7 maillots à pois. Mais il leur faudra affronter des prétendants du calibre de Carapaz ou Ciccone. Et pourquoi pas un nommé Egan Bernal, survivant désormais de retour après son terrifiant accident de janvier 2022. Sans pouvoir réellement peser sur le classement général, le grimpeur colombien du team INEOS, vainqueur du Tour en 2019, pourrait parfaitement se fixer un objectif plus raisonnable. Reportant à 2024 ses ambitions légitimes de bataille pour le maillot jaune.
Reste l’affaire triste et pathétique de la non sélection du quadruple vainqueur Chris Froome par son team Israël Premier Tech. Quelque chose comme la fin d’une illusion de come-back. Une tragédie pour le Kenyan blanc qui voit ainsi s’achever piteusement une carrière glorieuse où s’inscrivent en lettre d’or, outre ses quatre victoires sur le Tour, un Giro, deux Vuelta, trois Dauphiné, deux Romandie et quatorze victoires d’étapes dans les grands tours.
Mais au-delà des regrets, forcément éternels, place à la course et au fabuleux spectacle d’une épreuve qui en est à sa 110ème édition. Avec un départ version art contemporain, face à la prestigieuse Fondation Guggenheim de Bilbao, et des premières étapes pyrénéennes où le peloton trouvera déjà un terrain de jeu propice aux embuscades. Ce qui fait dire à Cyrille Guimard que « si l’on ne gagnera sans doute pas le Tour sur ces premières difficultés, on pourrait le perdre ». Bien avant les dix étapes cruciales qui auront pour cadre une région Auvergne Rhône Alpes en passe de devenir le paradis des cyclos. Avec en flash- back métaphysique l’arrivée au sommet du Puy de Dôme le 9 juillet. Comme un retour sur les très riches heures d’un sommet ayant vu s’illustrer Fausto Coppi, Luis Ocaña et le duo Anquetil Poulidor.