Le VAE peut-il relever de la loi Badinter ?

Si notre Cour de Cassation ne s’est pas encore prononcée, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a considéré qu’un vélo à assistance électrique (VAE) ne pouvait être un véhicule qui relèverait de l’obligation d’assurance des véhicules imposés par la Directive 2009/103/CE du 16 septembre 2009 qui concerne l’assurance de responsabilité civile et qui vise les véhicules auto moteurs qui circulent sur le sol et qui sont actionnés par une force mécanique, sans être lié à une voie ferrée, ainsi que les remorques même non attelées.

Par Pascal Consolin

La CJUE estime donc que le moteur électrique d’un VAE fournit seulement une assistance au pédalage qui lui permet d’accélérer sans pédaler jusqu’à une vitesse de 20 km/h.
Elle ajoute que cette fonction ne peut être activée qu’après utilisation de la force musculaire et ne correspond pas à la définition susvisée (CJUE, 12/10/2023, affaire C-286/22-KBC).

QUID DE LA SITUATION EN FRANCE DU VAE ?

À l’heure où nous écrivons cet article, la Cour de Cassation ne s’est pas encore prononcée sur cette question.
Nous pouvons cependant constater que la Cour de Cassation avait eu l’occasion de préciser qu’un fauteuil roulant électrique ne pouvait être considéré comme un véhicule terrestre à moteur au sens de l’article 1 de la loi du 5 juillet 1985 alors même que ce dernier était muni d’un système de propulsion motorisé, d’un siège, d’un dispositif d’accélération et de freinage et qu’il pouvait répondre à la définition donnée par l’article L211-1 du Code des Assurances qui dispose :

« Toute personne physique ou morale autre que l’Etat, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d’atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité. Cette assurance est obligatoire pour tout véhicule terrestre à moteur et permet de couvrir les dommages causés aux tiers en cas d’accident. »

La Cour de Cassation avait retenu l’esprit de la loi de 1985 qui vise à accorder une protection aux plus faibles (piétons, passagers transportés, cyclistes, personnes jeunes ou âgées, personnes handicapées) pour considérer qu’un fauteuil roulant électrique devait être vu comme un dispositif médical destiné à améliorer l’autonomie (Cour de Cassation 2ème chambre civile 06/05/2021).

De la même manière, la Cour de Cassation a écarté la qualification de véhicule terrestre à moteur, soumis donc à une obligation d’assurance, et concernant une voiture électrique évoluant dans un manège pour enfant en dessous de 5 ans au motif que « ce véhicule devait être assimilé à un jouet » (Cour de Cassation 2ème chambre civile 04/03/1998).
Cependant, l’utilisation d’un VAE s’effectue sur les voies publiques, même s’il est dépourvu de système de propulsion motorisé. On ne peut dès lors le comparer à un fauteuil électrique ou à un jouet.

Dans sa décision, la CJUE considère que le moteur électrique ne vient qu’au soutien de la force musculaire du cycliste dès lors que le VAE ne peut se déplacer sans une manœuvre préalable de pédalage.
Dès lors, un VAE ne se distinguerait pas vraiment d’un vélo ordinaire qui ne relève pas de la loi du 5 juillet 1985 dite Loi Badinter et qui n’est pas soumis à l’assurance obligatoire.
En outre, la CJUE relève qu’un VAE ne peut être comparé aux autres véhicules terrestres à moteur (moto, voiture, camion, …) qui sont de nature à causer aux tiers des dommages beaucoup plus importants compte tenu de leur vitesse plus élevée.

QUE PENSER DES AUTRES « VÉHICULES » ?

Comment doit dès lors s’analyser la situation des autres « véhicules » telles que les trottinettes électriques, gyropodes, gyroroues, mono-wheels, speed-bike, … que l’on croise régulièrement sur nos routes ou nos trottoirs ?

Les trottinettes électriques comptent en effet plus de 2,5 millions d’utilisateurs et constituent un nouvel engin de mobilité utilisé au quotidien.
Or, on constate d’importants accidents et incivilités et une régulation de leur utilisation quasi impossible. Ces engins, font aujourd’hui l’objet de dispositions spécifiques dans le code de la route.
Leur vitesse est limitée à 25 km/h et ils peuvent se déplacer sans utilisation de la force musculaire.
Cependant, comme pour le VAE, ils nécessitent la plupart du temps une impulsion du conducteur au démarrage même si celle-ci est très faible et non comparable au VAE.
Comment dès lors considérer ces « véhicules » ?

JURISPRUDENCE ACTUELLE

Jusqu’à présent, nos Juges n’ont pas retenu la qualification de véhicule terrestre à moteur au sens de la loi Badinter alors même que le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires a indiqué qu’ils étaient soumis à l’obligation d’assurance automobile (loi n°2019-1428 du 24/12/2019).

Cependant, le critère de l’obligation d’assurance étant indifférent de la qualification de véhicule au sens de la loi Badinter, nous pouvons considérer que les trottinettes électriques et autres engins de déplacement personnel, bien que soumis à l’assurance obligatoire, ne sont pas des véhicules terrestres à moteur au sens de la loi du 5 juillet 1985.
La Cour de Cassation va inévitablement devoir très prochainement se prononcer.

Si elle suit le raisonnement de la CJUE, elle pourrait être amenée à constater que la force musculaire requise pour l’utilisation de ces engins de déplacement personnel est beaucoup plus faible, voire inexistante, que celle qui est nécessaire pour l’utilisation d’un VAE, ce qui pourrait la conduire à qualifier les trottinettes et consorts de véhicule terrestre à moteur.

Affaire à suivre…

En cas de question, n’hésitez pas à contacter le Cabinet d’avocats spécialisé dans la réparation du dommage corporel CONSOLIN – ZANARINI.
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