Retour sur le Bikingman 555, récit

Le BikingMan commence à ne plus avoir de secrets pour nous, avec quelques participations sur le vélo et comme raceangels, nous commençons à être rodés aux épreuves organisées par Axel Carion et sa bande. Sur le BikingMan on passe par tous les états, à chaque fois on souffre, pendant chaque course on maudit Axel autant qu’on lui achèterait des fleurs, et dès que la finishline est franchie on se demande quand sera la prochaine course.

Par François-Xavier Plaçais

François-Xavier Plaçais est père de famille et marié à Laurianne Plaçais, qui a remporté le Championnat Bikingman en 2023. Il est aussi responsable communication chez Origine. Nous publions son récit éloquent comme une déclaration d’amour à la pratique de l’ultra distance.

L’an dernier le BikingMan a incorporé du Gravel dans son calendrier en lançant le format 555 dans le Vercors. Le principe, boucler les 500 kilomètres (dont au moins 100 en Gravel) en moins de 55 heures sur le temps d’un gros week-end.
Cette année une épreuve a été ajoutée en plus de la manche du Vercors. Après notre expérience en 2022 à Villard de Lans c’est sans aucune hésitation que nous nous sommes alignés sur le BikingMan 555 Alpes-Maritimes.

VALBERG DANS LE SUD ?

Et oui si ce nom vous évoque plus les fjords que les cigales c’est normal. Et pourtant cette station de ski familiale se trouve bel et bien à moins de deux heures au nord de Nice en plein coeur du Parc National du Mercantour. Ce 555 sera donc une épreuve de montagne, avec plus de 12000 mètres de dénivelé à gravir. Arrivés sur place, c’est une ambiance de novembre avec pluie et nuages qui nous accueille. Vu le contexte de ces derniers mois, on ne peut pas se plaindre de prendre de la pluie, voyons le côté positif des choses.
Pourtant au matin avant le départ, c’est un soleil radieux qui nous réveille, la station nous révèle son visage accueillant avec ce petit esprit village plutôt agréable. L’air est encore humide mais le check-in des vélos et le briefing se déroulent dans une ambiance de buffet campagnard d’été.

LÂCHEZ LA MEUTE !

500km, une course de 500km. Cette distance reste irréaliste pour la plupart des cyclistes lisant ces lignes. Pourtant ça ne fait pas peur à la cinquantaine de fous au départ ce vendredi 15 septembre. Pire que ça, une fois que la moto ouvreuse de Sergio s’écarte pour donner le départ réel, une meute se lance dans la course sur des allures de cyclosportive de moins de 150 kilomètres !
Le premier col, la Couillole est littéralement gobé par la tête de course. La première portion Gravel donne le ton. Un délice, une piste 4×4 propre avec juste ce qu’il faut comme grip, pas trop de cailloux, on se demande où est l’arnaque. Là on se dit qu’il faut bien en profiter car ça ne va pas durer. Mais, sans rien divulgâcher le reste des pistes du parcours, à quelques très rares exceptions seront à l’image de cette première section : délicieuse.
L’euphorie ne dure pas éternellement et la première descente nous rappelle que nous sommes sur une piste alpine et que la moindre erreur de pilotage ou excès de confiance se paie cash.
Dès la première descente cinq concurrents seront stoppés net, 2 chutes et 3 casses mécaniques, dont Maxime Prieur qui perd 40 minutes à batailler avec son pneu éventré.
Le ton est donné, qui veut voyager loin ménage sa monture.

Nous changeons de vallée pour monter le Col Saint-Martin par la piste de la Clamia. En fond de vallée c’est la fournaise et les pourcentages sont tout de suite à deux chiffres. Au bout de quelques hectomètres nous rejoignons la piste. Ce col fait mal, il sélectionne les plus forts et va bercer d’illusions ce qui pensent l’être. On est encore au début de la course et les organismes sont frais. L’erreur facile est d’appuyer car on se sent bien pourtant nous ne sommes qu’aux toutes premières cacahuètes de l’apéritif. Au sommet nous prenons une longue piste qui longe le flanc de la montagne pour rejoindre la station de ski de la Colmiane avant de plonger dans la vallée de la Vésubie. Et là vision d’horreur, le fond de vallée est ravagé par la tempête du 30 septembre 2020. Le lit de la Vésubie fait 10 à 20 fois la largeur initiale, des maisons sont coupées en deux, des jardins sont encore en train de se disloquer, des immeubles sont en sursit sur leur petit promontoire de terre, on pédale en pleine scène de catastrophe naturelle et on se rappelle que la vie est précieuse.

Après Roquebillière nous attaquons l’ascension du toit de ce 555 par la piste de l’Albeiras en direction des Granges de la Brasque, c’est long c’est raide mais la piste est superbe et le coup de pédale est efficace. Nous approchons la fin d’après-midi et pour ma part le soleil se couche doucement quand le parcours nous fait retourner dans la vallée de la Vésubie. Le col suivant sera de loin le plus dur dans tout le parcours.
La nuit tombe, les pourcentages ne descendent pas sous les 2 chiffres. La piste est toujours belle mais devient fuyante et caillouteuse dans les portions qui flirtent avec les 17-20%. Un petit portage s’impose et on met l’égo de côté pour préserver l’organisme, car nous sommes à peine au premier tiers de la course. La descente de nuit sur la piste aura raison de quelques acrobates malchanceux. De mon côté j’ai toujours cette motivation de respecter ce cadeau qui m’est fait de pouvoir rouler, en bonne santé dans un tel endroit.

DANS LA NUIT NOIRE ET OBSCURE

Ça y est, il fait vraiment nuit, c’est le moment que je préfère en ultra.
Ce décalage entre le confort et le bien-être des habitants des villages et nous, zombies filants dans la nuit en mode survie à la recherche d’une fontaine ou d’un banc pour se reposer.
De mon côté, voir les gens bien chez eux génère en moi un bien être par procuration et à chaque fois une vague rassurante m’envahit. Je m’approprie virtuellement cette fraction de vie, cette odeur de barbecue, ce tintement de verres, ces flashs de télévision à travers les fenêtres, les veilleuses dans les chambres d’enfants. Les gens sont bien dans leur quotidien, leur bonheur est simple, c’est vraiment mon instant favori !

Ces villages sont au pied du col de Braus et je dois avouer que je suis assez frustré de devoir le faire de nuit. Depuis le départ les paysages sont à couper le souffle et j’aimerais tellement voir ce qui m’entoure. Mais je me prends au jeu de la course et je continue à foncer dans la nuit sur la corniche au niveau de la Turbie. On distingue Monaco en contrebas. Je file sur l’asphalte et j’ai l’impression de voler au-dessus de ces lumières des centaines de mètres en contrebas.
Au sommet du Col d’Eze je vis littéralement un des meilleurs moments de ma vie de cycliste. Jean Bobet dans son livre Demain on roule appelle ça la volupté : ces instants furtifs où on caresse les pédales, où tout est efficace et où tout paraît facile et rapide.
Ce moment va malheureusement être interrompu par la prochaine section Gravel et une rampe à 20%, dès les premiers mètres. Retour à la réalité, petite pensée pour Isaac Newton sur mon vélo de 13.5kg avec mon chargement et mon gabarit qui me contraint à avoir un Cx de tracteur routier. La pluie s’invite avec une averse d’une heure. Pas si désagréable.

Je continue mon bonhomme de chemin vers le CP quand je vois une lampe fondre sur moi. Au début j’ai vraiment cru à un motocross électrique. Pourtant j’ai l’impression de monter correctement en gestion, mais là c’était presque insultant !
Le concurrent me rattrape, nous échangeons quelques mots puis je lui dis « vas-y file je vais trop te retarder si tu restes discuter avec moi » et là il me répond « si t’as envie de discuter pas de problème je reste avec toi jusqu’au CP ».
Où ailleurs qu’en ultra peut-on trouver de tels comportements ? Nous refaisons le monde sur quelques kilomètres avant de pointer ensemble au CP à Levens et partager un plat de pâtes. Nous sommes sixième et septième. À l’avant, personne n’a voulu se poser pour dormir. Nous décidons de faire honneur aux matelas mis à notre disposition avec des stratégies différentes. Trente minutes plus tard, je suis à nouveau en train de pédaler. Sébastien poursuivra sa nuit quelques heures.

Fin de la première partie, retrouvez la suite dans quelques jours.
Retrouvez les informations et inscriptions pour l’édition 2024 du Bikingman 555 qui se déroulera dans le Vercors (du 26 au 28 juillet 2024) ici
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