L’exemplaire que vous avez sous vos yeux coule des beaux jours dans le sud de la France, chéri par son heureux propriétaire, trônant au milieu de ses autres merveilles. Le premier de la série avait été offert au défunt pape Jean-Paul II. Il est revenu dans le musée Colnago, à Cambiago. Cherchez les quatre autres…
La Joconde de la bicyclette
L’Oro est avant tout un Mexico. Le Mexico est le modèle phare chez Colnago dans les années 70, puisqu’il célèbre la tentative d’Eddy Merckx lors du record de l’heure en 1972, à Mexico. Tentative victorieuse.
Un cadre entièrement construit autour de tubes Columbus comme de coutume à l’époque. C’est un peu plus tard, notamment dans les années 80 que Colnago fera des infidélités à Columbus en utilisant parfois des tubes Tange. Mais revenons à notre Mexico et ses tubes ultralégers de 4 dixièmes. À l’époque la notion de performance tournait autour du gain de poids. On affinait donc les tubes d’acier, pour chasser le moindre gramme. Inutile de dire que la rigidité était en forte baisse, mais c’est un tout autre temps…
On peut d’ailleurs observer l’ajout d’une petite barre de renfort entra la roue arrièreet le boitier de pédalier, barre absente sur le modèle d’après, le Nuovo Mexico et sur le célèbre Master (6 dixièmes). Les tubes du Mexico sont ronds et la fourche cintrée, ce qui donne une allure très classique au cadre. Ajoutez sa géométrie parfaitement droite et vous obtenez un modèle d’équilibre et d’élégance.
Concernant le plaquage en or, il faut compter environ entre 150 et 200 grammes pour le cadre et la fourche.
L’âge d’or du pantogravage
Ah le fameux pédalier et ses plateaux pantogravés « Ernesto Colnago ». Une pièce qui en a certainement fait rêver plus d’un. On retrouve aussi les leviers de freins, la potence, la tige de selle… Chaque élément qui rend le vélo pas comme les autres. Une époque où les finitions étaient primordiales, on ne se contentait pas de faire une « belle » peinture. Prenez la tige de selle polie qui semble sculptée dans le métal, elle est peinte aux couleurs du drapeau italien et ornée de l’insigne « C » et du trèfle.
L’ergonomie est à l’ancienne. Comprenez cintre profond et bas, ainsi qu’un creux prononcé au niveau des leviers. Un coup de main à prendre. La selle Rolls tire bien son nom. Un véritable fauteuil qui vous fait regretter instantanément toutes les selles modernes, bien plus légères, mais plus dures aussi.
Et ces roues, les roulements n’ont pas bougé. Les roulements céramiques, où ça ? Près de quarante ans après, les moyeux Record tournent encore comme au premier jour. Alors la rigidité n’est pas très grande, mais avec leurs 1400 grammes, on reste aujourd’hui encore très léger. Et les jantes Mavic record de l’heure nous rappellent ce que sont de vraies jantes basses.
Seule entorse à l’origine avec les boyaux car Colnago équipait son Oro de jantes Nisi et Richard, le propriétaire du vélo les garde précieusement dans des housses. Pour les boyaux, avec les années ils ont dû être remplacés, ceux qui équipent
aujourd’hui le vélo sont des Vittoria Corsa.
Quand faire du vélo touche au sublime
Il faut le dire, ce vélo a la capacité à transformer chaque coup de pédale, chaque geste en performance artistique. On se sent plus beau, plus fort, plus tout.
Un objet qui transforme un homme, un objet qui transforme la notion du pédalage,
ça existe. Le freinage qui manque de mordant ? Pas grave.
L’étroitesse du poste de pilotage ? Pas grave.
Le choix limité de braquets ? Pas grave.
La faible rigidité du cadre et des roues ? Pas grave.
Les vitesses aucadre ? Terriblement old-school et délicieux !
Le confort ? Sublime
La tenue de route ? Incroyable !
La brillance ? Eblouissante !
Vous l’aurez compris, on ne peut que tomber amoureux d’un tel vélo, et toute notion de rendement et d’efficacité n’est que secondaire. Seul compte le plaisir éprouvé et il est ici énorme.