Colnago C68

Avec le lancement du C68, Colnago entre dans une nouvelle ère. Une ère où Ernesto Colnago n’est plus présent et où la marque s’affranchit résolument des codes qui ont été les siens durant 68 ans. Ce vélo est le premier d’une gamme C qui va accueillir deux autres modèles, dont un Gravel.

Par Alexandre Lombardo
le 21 avril 2022

Nouvelle ère

Le lancement du déjà mythique C64 avait eu lieu à Lanzarote, dans les Îles Canaries. Ernesto Colnago s’était déplacé, comme toujours, et agrémentait notre press camp avec ses anecdotes et sa prestance inoubliable.
Pour le baptême du C68, premier né de l’ère nouvelle, l’atmosphère n’aura pas vraiment été la même. Oublié le cérémonial saisissant, le romantisme italien, place à l’efficacité.

C’est directement au siège Colnago de Cambiago que nous avons récupéré ce C68, quelques semaines avant son lancement officiel. Une visite dans un lieu que nous connaissons bien mais qui a changé depuis la cession de l’entreprise et le départ du Maestro.
Exit les centaines de maillots et de photos accrochés aux murs, exit le musée « familial » et l’ambiance bon enfant qui régnait. Relégué au rang des souvenirs mélancoliques le café amer offert inévitablement par Ernesto en personne.
Désormais tout est différent et le premier vélo de cette nouvelle ère est le C68. Le premier vélo conçu sans les idées et la supervision d’Ernesto, qui considérait ses ingénieurs et ses techniciens tout à la fois comme ses enfants et comme une extension de lui-même.

Top Vélo - Colnago28 scaled

À l’instar de Ferrari, avec qui elle a longtemps collaboré, la société Colnago est d’abord et surtout l’œuvre d’un homme seul. Créateur d’un univers à nul autre pareil, inventeur et précurseur, révolutionnaire et métaphysique, démiurge et génial.
Mais à l’instar de Ferrari justement, Colnago est un mythe éternel. Un mythe qui peut et doit survivre à la disparition ou au départ de son créateur.
Si le C64 aura été l’ultime rêve d’Ernesto, comme la F40 l’ultime rêve d’Enzo, il n’y a pas d’alternative pour les nouveaux patrons de Cambiago. Il faut poursuivre sinon le rêve, du moins l’avancée technologique. Et ceci dans le respect des fondamentaux de la marque. Car il est évident que l’achat d’un Colnago, a fortiori d’un modèle « C », n’a rien du geste anodin de l’achat de n’importe quel autre vélo au monde.
Se porter acquéreur d’un Colnago C revient à s’offrir l’Histoire et le Futur.

UN VRAI COLNAGO ?

C’est la question qui vient immédiatement à l’esprit face au C68. Une question existentielle qui en appelle d’autres…
Mais qu’est-ce qu’un vrai Colnago ? Y a-t-il de vrais ou de faux Colnago ?
Nous avons posé la question à deux spécialistes en la matière, vous découvrirez leur avis dans une prochaine vidéo.

Pour ma part, après plusieurs semaines à observer le vélo sous toutes ses coutures dans mon salon et sur la route, je dois avouer qu’il y a bien quelque chose.
Quelque chose de moins sensible, moins ostentatoire que sur ses prédécesseurs, mais en observant le C68, on finit par cerner son âme. À mon avis, il mérite bien le légendaire nom apposé sur son tube diagonal.
Mais vous l’aurez remarqué, la signature du Maestro ne figure pas sur le cadre. C’est la première fois…

UN CADRE QUI N'EST PLUS VRAIMENT "À RACCORDS"

C’est une première dans la lignée des Colnago « C », le C68 n’est plus un cadre à raccords !
Enfin à proprement parler. Souhaité comme un vélo bénéficiant d’un dessin épuré, d’une intégration totale et d’une modernité flagrante, il a réclamé deux années de travail, d’études et d’essais.

Dans les faits, il est constitué de plusieurs parties qui s’emboîtent entre elles et sont stratifiées.
Un choix librement justifié par les ingénieurs de la marque au trèfle, arguant que cette structure modulaire offre une capacité de maîtrise du comportement qui correspond parfaitement aux attentes des clients.
Cette construction permet aussi une fabrication 100 % italienne, à la fois pour la partie carbone (tubes) que pour la construction du cadre, toujours réalisé à Cambiago. La peinture est évidemment aussi réalisée en Italie.
La principale différence avec le C64 vient du fait que le C68 est stratifié et non pas collé. Bien que collé ne soit pas le terme exact, car le C64 bénéficiait d’un collage des tubes aux raccords par polymérisation.
Grande nouveauté, le tube de selle ne fait qu’un avec le boîtier de pédalier. Le tube supérieur bénéficie de deux parties, l’une reliée à la douille de direction et l’autre au tube de selle.
Le serrage de la tige de selle est intégré, mais migre sur la partie haute du tube supérieur.
Grosse surprise, le C68 sera disponible tant en freinage disque (dès son lancement) qu’en freinage à patins (courant 2022) !

« Nous avons l’âme des champions, en nous la fierté de milliers de victoires. Nous avons la passion des artisans.
L’héritage de la beauté italienne, les détails et le manuel nous inspirent. Nous ne luttons pas pour quelque chose d’autre que l’excellence.
Ernesto Colnago a créé des vélos pionniers et supérieurs, nous conservons sa maîtrise et son soin, cultivant une combinaison délicate d’élégance et de séduction, nous créons les vélos et les expériences les plus prestigieux et à couper le souffle.
Colnago offre le goût de l’exclusif. »

DES COMPOSANTS DÉDIÉS

Avec le C68, Colnago dévoile un poste de pilotage inédit. Entièrement en carbone, monobloc, le CC.01 fait évidemment passer toute la câblerie en interne. Sa masse de 310 grammes le rend plus léger que la plupart de ses concurrents, ce qui n’est pas négligeable.
Enfin, la marque italienne qui souhaite démocratiser l’utilisation et le montage de postes de pilotage monoblocs a compris que cela passait par une large gamme de mesures.
Donc pas moins de 16 combinaisons disponibles, avec des longueurs de potences de 80 à 140 mm et des largeurs de cintres de 370 à 430 mm (centre-centre).

Développé pour le C68, le CC.01 est compatible avec le V3RS et le C64.
Un cockpit qui contient un multi-outil au-dessus de l’extendeur. Bien vu de la part de Colnago ! 

Évidemment, le C68 est compatible avec tous les cintres du marché d’un diamètre de 31,8 mm dotés de passages de câblerie en interne. La potence sera alors une Deda Elementi Superbox.

Côté roulements, tous les C68 sont fournis avec des roulements de pédalier et de direction Ceramic Speed SLT (Solid Lubrification Technology). Des roulements garantis à vie conçus pour simplifier la maintenance sur le long terme. En effet, sachant que le changement de roulements de jeux de direction réclame au moins 1 h 30 de travail sur un vélo à câblerie intégrée, le jeu en vaut la chandelle !

MONTAGE À LA CARTE SUR LE SITE COLNAGO

C’est une grande première, Colnago ouvre la personnalisation et la commande sur son site internet !
Un configurateur qui permet de personnaliser entièrement son cadre tant sur le choix des coloris que du montage.
Le choix d’une couleur personnalisée (en dehors des couleurs standard) est facturé 1 200 euros. Il est ainsi possible de modifier toutes les couleurs du cadre et des inscriptions, de quoi obtenir un C68 unique !

À noter que la finition spéciale baptisée Carbon Titanium qui bénéficie de titane imprimé en 3D sera aussi disponible à la configuration.
Notre vélo d’essai est équipé entièrement en Campagnolo Super Record EPS 12. Le groupe le plus haut de gamme chez Campagnolo, qui trouve bien sa place sur ce C68, comme sur le vélo de Tadej Pogacar.
Évidemment, pour les réfractaires au classicisme italien, il sera possible d’équiper le C68 d’un groupe Shimano ou Sram.

INÉDIT BOÎTIER T47

Au premier abord, Colnago a conservé le même système de boîtier de pédalier que sur le C64. Il est vrai, l’usage de cuvettes en aluminium vissées au cadre, qui accueillent elles-mêmes les cuvettes Press-Fit du pédalier, est très fiable et rigide.
Pour le C68, Colnago a amélioré ce système en le dotant d’un diamètre de 47 mm au lieu des traditionnels 45 mm.

DISPARITION DU SUR-MESURE

Le sur-mesure, véritable mythe, disparaît ! Une fin en soi ?
Pas du tout selon la marque, qui nous explique qu’en réalité un nombre très minime de C64 ont été mis sur le marché avec une géométrie personnalisée. Un faux problème donc, qui demandait des techniques de fabrications spécifiques dont Colnago s’est passé sur le C68.

Notez que la version Titanium bénéficiera d’une finition et de pièces spécifiques en titane imprimé 3D (fabriquées à la commande), qui permettront de bénéficier d’un « presque » sur-mesure. Une future édition limitée facturée 6 600 euros le kit cadre.
Ce sont sept tailles qui bénéficient de nouvelles géométries. Les douilles de direction sont plus hautes (164 mm en 53), au bénéfice du confort et de la facilité d’usage.
C’est une première dans la lignée des Colnago « C », le C68 n’est plus un cadre à raccords ! Enfin à proprement parler. Souhaité comme un vélo bénéficiant d’un dessin épuré, d’une intégration totale et d’une modernité flagrante, il a réclamé deux années de travail, d’études et d’essais.

LE COLNAGO C68 SUR LA ROUTE

Censé être plus confortable que le C64 qu’il remplace, le C68 donne des sensations très différentes.
Là où le C64 se comportait comme un scalpel, prêt à en découdre à la moindre occasion, le C68 paraît plus posé, plus calme et plus costaud aussi.
Un comportement plus subtil à apprivoiser et à juger.

C’est bien au fil des kilomètres que ce Colnago C68 s’apprend et se dévoile. Le confort se confirme. Il paraît plus léger qu’il n’est réellement (7,6 kg).
On lui découvre d’autres qualités, inattendues pour un Colnago de cette trempe, qui laissent présager de belles choses avec la future version Allroad (qui acceptera des gommes plus larges).
Le confort donc, un élément que Colnago a pris à bras le corps dans la conception du C68. Tant dans la direction que dans l’assise, la progression est palpable et sensible. Pourtant, la tige de selle est identique à celle du C64, qui bénéficiait déjà d’un lay-up optimisé.
C’est bien le travail sur le lay-up du cadre qui a évolué et permet ce très net gain.
Dans les descentes, je m’attendais évidemment à retrouver une formidable machine.
Et formidable c’est peu dire pour parler des capacités du C68 en descente !
Si lors de sa sortie le C64 s’établissait dans les références du segment, quatre années plus tard, le C68 redéfinit le tableau des références en descente.
Outre son freinage disque irréprochable (le freinage Campagnolo est simplement au-dessus du Sram et seule la dernière version du Shimano Dura-Ace est au niveau), la tenue de route et la capacité du C68 à enchaîner les virages rapides est phénoménale.
La rigidité de l’avant a nettement progressé, c’est notamment cette caractéristique qui permet ce bond en avant.
Que ce soit sur le plat ou dans les côtes, le C68 montre qu’il n’est pas spécialisé dans un de ces deux domaines plus que l’autre.
Je ne pourrais donc pas écrire qu’il s’établit en référence dans les ascensions ou sur le plat.
C’est surtout le train roulant qui modifiera le comportement et les capacités du vélo.
En effet, si certaines machines s’accommodent de pratiquement n’importe quelles roues, le Colnago C68 est plutôt sensible au choix de celles-ci.
Notre vélo d’essai est équipé de Campagnolo Bora WTO 45 mm. Des roues qui lui conviennent parfaitement sur le plat où le vélo est capable de rouler vite et de relancer. Rien d’exceptionnel, pratiquement tous les vélos haut de gamme en sont capables.
En revanche, en l’état actuel, lorsque la route s’élève et qu’on se dresse sur les pédales, il ne se passe pas grand-chose.
Je parle en ressenti, car la vitesse augmente évidemment. Dans cet exercice, le montage de Bora WTO 33 mm a énormément fait évoluer ce ressenti. Plus de facilité, plus de sensations et toujours une belle mise en vitesse. L’équation gagnante et une nette préférence pour ce montage.
Le C68 se transforme alors en grimpeur capable d’escalader n’importe quel col.
Vous l’aurez compris, il y aura un grand intérêt à étudier finement le type de parcours emprunté et votre manière de pédaler lors du choix des roues qui équiperont un C68. Dans le doute, un profil de moins de 40 mm devrait assurer sur tous les terrains.

NOUVELLE IDENTITÉ POUR COLNAGO

C’est comme si Colnago entrait de plain-pied dans le quatrième millénaire.
Le passage dans le troisième millénaire s’était fait avec l’arrivée du C50, qui faisait entrer le carbone dans une nouvelle ère après le C40 qui était en fait le premier carbone « moderne ».
Avec le C68, Colnago parvient à donner un certain coup de vieux (sur certains points) au C64 qui était proche de la perfection. Attention, le C68 n’est pas le vélo parfait, mais il se rapproche de l’archétype d’un Colnago parfait pour les cyclosportifs fortunés.
Une machine parfaitement aboutie, parfaitement réfléchie, dont la mise au point est certaine.
Un vélo qui gagne à être roulé, encore et encore pour cerner son comportement et pour l’apprécier. Là où le C64 se dévoilait dès les premières secondes, ce C68 cache le spectacle pour se dévoiler à qui sait l’utiliser.
Il donnera alors beaucoup d’émotions.

Fiche Technique

Cadre
Trek Madone SLR 7ème génération OCLV 800
Fourche
Madone KVF full carbone
Groupe
Sram Red eTap AXS
Roues
Bontrager Aeolus RSL 51
Pneus
Bontrager R4 320tpi 25mm
Cintre
Madone intégré OCLV
Potence
Madone intégré OCLV
Tige de selle et selle
Trek Madone carbone et selle Bontrager Aeolus P2 RSL
Poids
7,3 kg (sans pédales)
Tarif

15 699 €

Poids

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