La Jag’ survoltée
Le design est troublant. À mi-chemin entre break surélevé, concept-car et SUV. Les proportions sont du même acabit. Le capot avant est exagérément bas et muni d’une prise d’air qui passe de la calandre jusqu’au milieu de capot.
À l’arrière les formes sont très géométriques. Les arêtes vives exacerbent et les détails stylistiques sont nombreux. Le Jaguar bondissant est là, mais de loin il faut avouer qu’on a du mal à voir dans le I-Pace la descendance des quelque 60 ans de design Jaguar…
Le dessin de Ian Callum est à l’opposé de ses créations phares (Aston Martin DB7, Jaguar XK et F-Type) dont les lignes douces semblaient sculptées par le vent. La classe naturelle de ces voitures ne se discutait pas, elles avaient la capacité d’émouvoir d’un simple regard.
Avec le I-Pace, Ian Callum a choisi une voie plus compliquée, plus tortueuse. L’I-Pace ne laisse pas de marbre, mais difficile de dire si on le trouve beau. Sa beauté ne nous a pas vraiment subjugués, mais indéniablement le design est très novateur !
Et puis, après tout ne disait-on pas la même chose de la XJS qui est aujourd’hui un grand classique de la marque ?
Autre trait de design, autre temps pour nouveau temps : la signature lumineuse. L’I-Pace se distingue de la masse en affichant ses traits géométriques à l’arrière. Devant les barres LED en forme de J sont aujourd’hui présentes sur toute la gamme Jaguar. Plus belle de nuit ?
À l’intérieur
Premier contact tactile avec l’I-Pace, ses poignées rétractables. Lorsque le véhicule est fermé elles s’escamotent, laissant la carrosserie aluminium lisse et dénuée d’artifices. On s’approche et le Jaguar se réveille. Les poignées sortent et on entre. Délicieux.
Mais si l’extérieur ne laisse personne de marbre, l’intérieur souffle le chaud et le froid coté design et qualité.
On retrouve les très réussis boutons tactiles du volant et de climatisation du Range Rover Velar, ainsi qu’une console centrale flottante « Piano Black » du plus bel effet. Mais le design des aérateurs est vraiment indigne de Jaguar et du segment Luxe. Mêmes commentaires sur la qualité des matériaux dans le bas de la planche de bord et des contre-portes…
Pour autant les sièges sont extrêmement confortables et on se sent bien dans cet habitacle au ton assez sportif. Le confort des sièges avant (réglables dans 10 directions sur notre modèle d’essai) est royal.
Aux places arrière le confort est bon et le dossier de la banquette n’est pas trop redressé, ce qui permettra d’enchaîner les kilomètres confortablement. Encore une fois un grief contre la finition de l’accoudoir central entre les passagers : on se demande ce qu’il fait sur un véhicule à plus de 80 000 euros tant le plastique (!) des porte-gobelets fait cheap.
Un comportement routier irréprochable
On retrouve tout le savoir-faire de la marque en matière de comportement, un savant mélange entre confort et tenue de route.
Une sensation renforcée par la douceur des moteurs électriques. Un raffinement dont aucun moteur thermique n’est capable, même le meilleur V12.
La filtration des vibrations en provenance de la chaussée est bien au-dessus de la concurrence allemande. Sur ce point Jaguar n’a de leçons à recevoir de personne.
À basse vitesse les amortisseurs bien que classiques (non pilotés) se jouent des aspérités et autres dos d’âne. À haute vitesse la prise de roulis est minime et grâce à la construction aluminium très rigoureuse et rigide, la masse se fait totalement oublier. Même dans les changements d’appui rapides. Les saillies et raccords de chaussée n’entraînent aucune remontée désagréable dans la direction et sont avalés sans sourciller.
La puissance des deux moteurs électriques est phénoménale et les 400 cv semblent en faire 600 dans les relances entre 50 et 150 km/h. Dépasser se fait instantanément et même une super-sportive de donnera pas ce sentiment d’accélération infinie, sans aucune rupture de couple propre aux véhicules électriques puissants.
Détail amusant, Jaguar a doté son I-Pace d’un bruit de fonctionnement en mode sport (mi-réel, car les moteurs électriques produisent quand même un bruit, et mi-synthétique). De quoi se sentir dans une navette spatiale lorsqu’on appuie sur l’accélérateur et que sous l’effet de l’accélération la tête s’enfonce définitivement dans l’appuie-tête.
Le freinage ne souffre d’aucune critique. En conduite normale la régénération permet de ne quasiment pas toucher la pédale de frein (la conduite est alors d’une douceur et d’un raffinement extrême) et en conduite sportive le grand diamètre des disques permet aux plus de deux tonnes de s’arrêter efficacement sans fading sensible à la pédale.
Une consommation assez élevée
Revers de la médaille de ce comportement sportif, la consommation est assez élevée comparée à la référence Tesla. Environ 30 kWh pour 100 km là où un Tesla Model X dépasse tout juste les 20 kWh. Comme la capacité de la batterie du Jaguar est légèrement inférieure à celle du Tesla (90 kWh contre 100 kWh), son autonomie sur voie rapide peine à dépasser les 300 kilomètres. Autre problème, le réseau de recharge. Ne bénéficiant pas des Superchargeurs Tesla comme les Tesla, il faut se contenter du réseau Corridor (désormais inopérant) et des Superchargeurs Ionity lorsqu’on prend l’autoroute. Sauf que le réseau est très clairsemé… À titre d’exemple, lors de notre essai en région parisienne, nous n’avons trouvé aucun chargeur Ionity et nous avons dû nous rabattre sur le réseau Corridor qui était encore actif et sur les nombreuses bornes classiques, moins puissantes mais souvent gratuites. Bilan : au lieu de charger rapidement en moins de 30 minutes, on passe minimum une heure pour charger entre 10 et 30 kWh suivant la puissance de la borne…
Une bonne capacité de chargement
Si le gabarit extérieur n’est pas exagérément grand, l’espace intérieur, et surtout l’espace de chargement est bien pensé. Cependant il faut composer avec les formes extérieures et notamment un seuil de chargement assez haut et un pavillon plutôt bas. On chargera donc le vélo (roues démontées) couché, le coffre étant large et profond. En protégeant les cadres entre eux, il est possible sans problème d’emporter deux vélos et leurs roues, l’un sur l’autre. Pour ceux qui seront obligés de mettre le vélo debout, il faudra obligatoirement démonter la tige de selle et ne pas avoir un vélo trop grand.
Pour rabattre la banquette arrière et obtenir un plancher quasiment plat il faut malheureusement manipuler la manette sur le haut du dossier, près des appuie-têtes. Jaguar n’a pas jugé bon d’équiper son I-Pace d’un fort pratique bouton accessible depuis le coffre. La longueur obtenue permet de faire rentrer un ou deux vélos entiers, couchés pour ceux qui sont rebutés par le démontage des roues.
Une vraie Jag ?
À la conduite sans aucun doute, l’I-Pace offre une expérience sportive et confortable qui correspond parfaitement à l’univers Jaguar.
Si le style extérieur est subjectif, il regorge d’éléments qui donnent une personnalité hors du commun à l’I-Pace. Une personnalité qui est malheureusement absente à l’intérieur (en dehors de la console centrale sympa) et qui dénote du blason Jaguar figurant sur le volant.
Alors oui, l’I-Pace est bien une Jaguar moderne, avec ses qualités qui font oublier ses défauts et surtout il prouve que le savoir-faire britannique en matière de véhicules électriques et de SUV est bien là. Avec une autonomie un peu meilleure et un intérieur au diapason, il serait d’ailleurs proche de la perfection.
Pour nous cyclistes, l’espace de chargement est suffisant pour emporter deux vélos et les bagages pour 4 personnes en optimisant l’espace et le chargement. De quoi partir en vacances ou sur une épreuve en famille.
Et c’est une Jag ! Grace, Space, Pace…